Le Dragon de Calais

Le Dragon de Calais se prépare pour la nouvelle saison

Le concept

Il y a deux génies derrière tout ça...

François Delarozière est le génie créateur de La Machine, la compagnie de spectacle de rue et de production basée à Nantes dont l'équipe d'artistes, de designers, d'ingénieurs et de mécaniciens fabrique les machines extraordinaires qu'il fait naître de son imagination.

et...

Natasha Bouchart, maire de Calais (et vice-présidente de la région Hauts-de-France), qui a vu le potentiel du projet et l'a fait avancer.

Pour elle, et pour tous ceux qui travaillent dans le domaine du marketing touristique local et régional, ce projet s'attaque directement à leur plus grand problème : inciter les gens à rester.

Les Hauts-de-France (et le Pas-de-Calais en particulier) sont un carrefour. Tous les personnages de l'histoire, de Jules César, Henry V et Napoléon à Kitchener, Montgomery et Guderian (qui ont poursuivi le BEF jusqu'à Dunkerque) sont passés par là pour se rendre ailleurs.

Et c'est encore le cas aujourd'hui. Pendant les mois d'été, les automobilistes du Royaume-Uni traversent le tunnel sous la Manche et débarquent des ferries, pour se mêler aux vacanciers de Belgique et des Pays-Bas sur l'autoroute A16 en direction de Paris et au-delà.

C'est bien dommage car il y a beaucoup à voir dans la région, surtout pour les passionnés d'histoire et les lecteurs de Mechtraveller.

Le projet de la Compagnie du Dragon à Calais vise à créer ce que l'artiste social Hugh MacLeod appelait des "objets sociaux", c'est-à-dire des choses autour desquelles les gens se rassemblent, qu'ils expérimentent, dont ils parlent et partagent. Le dragon lui-même (il y aura d'autres "objets" dans ce projet) est exactement cela.

Flammes du dragon au coucher du soleil (Photo : A Chaput, Pas-de-Calais Tourisme)

L'été dernier, par une soirée grise et brumeuse, alors que la lumière déclinait, j'étais sur un ferry DFDS qui quittait Calais, quand soudain, une flamme a jailli sur la rive. Le Dragon de Calais a attiré l'attention de tous. À vous de me le dire. Quel parent va pouvoir résister à ses enfants qui réclament à cor et à cri de voir le dragon, soit tout de suite en débarquant à Calais, soit au retour ! Tic ! Bien joué, Madame Maire !

Le dragon

Avec ses 10 mètres de haut, ses 25 mètres de long et ses 17,5 mètres d'envergure lorsqu'il est complètement déployé (selon les conditions de vent !), le Dragon de Calais est la plus grande bête à sortir des ateliers de La Machine à Nantes.

Un éléphant mécanique géant avec des passagers sur une plateforme sur son dos.

Le Grand Éléphant, Nantes

(C'est à Nantes que vit le célèbre Grand Éléphant**, exploité par Les Machines de l'Île, ainsi que l'étonnante fourmi, la chenille et les créatures des profondeurs dans le Carrousel des Mondes Marins à plusieurs niveaux).

C'est aussi le plus complexe. Ses 280 mouvements sont alimentés par 2 600 litres de fluide hydraulique. À titre de comparaison, le Grand Éléphant compte 120 mouvements.

Chaque machine construite par La Machine est unique, tout comme ses pièces, du squelette en acier à la peau. La peau du dragon est faite de cuir, de toile (ailes) et de bois, ce qui m'a surpris. Je pensais que c'était de la fibre de verre. En tant qu'ancien directeur de production théâtrale, j'aurais dû regarder de plus près ! Il s'avère que les sections de la peau sont moulées dans des couches de bois laminées, puis scellées, peintes et vitrifiées.

Bien sûr, comme il s'agit d'une pièce unique, il n'y a pas de pièces de rechange, et cette pause hivernale forcée a permis de renvoyer les deux pattes avant du dragon à Nantes pour réparation.

Chauffeur du dragon

Le dragon de 72 tonnes peut transporter 49 passagers sur son dos, pour un trajet de 30 minutes le long du front de mer (1 heure aller-retour) à une vitesse sereine de 4 km/h. Entre son arrivée à Calais en novembre 2019 et avant l'entrée en vigueur des restrictions du COVID, il effectuait 4 allers-retours par jour en hiver et 7 à 8 allers-retours par jour en été. Il est prévu que lorsque la rénovation actuelle du front de mer sera terminée (il est en train d'être rendu beaucoup plus adapté aux patins à roulettes, au vélo et aux piétons), le dragon ira plus loin, mais avec de multiples arrêts de montée/descente en cours de route.

L'accès est simple, la queue s'abaisse et des marches y sont encastrées. Il y a un accès pour les fauteuils roulants à la base du dragon, où un ascenseur et un pont permettent de monter à bord, mais les personnes en fauteuil roulant doivent ensuite rester à bord pour le trajet aller-retour.

L'une des choses que j'apprécie vraiment dans le travail de Delarozière, c'est que tout est non seulement superbement conçu et construit - par exemple, la plupart des gens auraient utilisé de la fibre de verre et non du bois ! - mais c'est l'attention portée aux détails. Tout est conçu de manière esthétique. Il ne s'agit pas seulement du dragon lui-même, mais aussi de la nef (voir ci-dessous) dans laquelle il résidera. Il n'y a pas que l'Iguana, mais même le couvercle en acier inoxydable qui recouvre le panneau de commande à distance lorsqu'il n'est pas utilisé est magnifiquement conçu. Et ici, au sommet du dragon, où l'opérateur de la queue doit garder un œil sur les systèmes hydrauliques, l'instrumentation est comme une pièce d'art steampunk ! La plupart des ingénieurs auraient construit un panneau numérique discret !

Instrumentation steampunk !

Il faut une équipe de 4 personnes pour le faire fonctionner :

• Le directeur, qui marche à l'avant. Il supervise tout et est en contact par casque avec tous les autres. Il dispose également d'un panneau de commande à distance qui permet d'actionner les effets, c'est-à-dire de cracher du feu, de la fumée et de l'eau.
• Le conducteur qui dirige l'ensemble de la machine depuis sa cabine située en dessous, à l'avant.
• L'opérateur de queue, à bord, à l'arrière.
• L'opérateur de tête, qui est à peine perceptible dans son siège baquet sur la tête, où il contrôle la tête et le cou.

Cependant, l'équipe complète d'un voyage en dragon est généralement composée de six personnes. Il faut l'équipage de base plus deux accompagnateurs pour surveiller les enfants, les adultes ou les animaux domestiques égarés qui pourraient s'approcher trop près pour leur sécurité.

Le dragon a-t-il une personnalité ?

Oui, il en a une. À son arrivée à Calais, La Machine a présenté un spectacle de trois jours dans la ville, au cours duquel le dragon, d'abord agressif, a été calmé par les habitants qui chantaient pour lui. Mais ce sont les équipages qui lui donnent sa personnalité. Il y a eu une période de transfert d'un mois pendant laquelle les équipages locaux de la Compagnie du Dragon ont appris les bases de son fonctionnement. Vous pouvez voir le travail d'équipe de base, par exemple lorsque le chef opérateur commence à lever le cou et la tête, puis la bouche, afin de préparer le directeur à tirer le canon à flamme à partir de sa télécommande.

Le dragon n'est que le premier d'une série de machines à venir à Calais, mais, comme le souligne Stéphane Ribeiro da Ascencao, responsable de la communication, il se comporte différemment selon l'humeur de l'équipe et du public. "Parfois, le dragon est un peu endormi, ou bien il peut être actif et agressif, et d'autres fois, il s'adresse différemment à un public d'enfants et à un public d'adultes".

Le projet Machines de Calais

Le dragon n'est que la première d'un certain nombre de machines à venir à Calais. Dix autres pièces d'art urbain - deux fixes et huit mobiles - attireront l'attention sur des parties négligées de la ville et de son histoire, comme les anciennes fortifications, qui seront rénovées et ouvertes au public.

Fort Risban

La base actuelle (Cité du Dragon) du dragon, située à l'extrémité portuaire du front de mer de la plage de Calais, est temporaire. La billetterie, la boutique et le restaurant déménageront dans le Fort Risban rénové situé juste à côté, et Delarozière a conçu "La Nef", une élégante maison de verre pour le dragon qui ressemble un peu à un conservatoire elfique de Rivendell (Le Seigneur des Anneaux !). Et en plus, elle bouge ! Elle aura l'air de se gonfler et de respirer à l'approche du dragon, puis elle se calmera pour devenir un cocon lorsque le dragon s'endormira.

Le dernier né du projet est l'un des deux iguanes fixes du projet. Il est arrivé en septembre dernier et est temporairement installé au sommet d'un conteneur d'expédition.

L'iguane et le dragon

Cet iguane mesure 4 mètres de long et 1,8 mètre de haut. Le public peut le faire fonctionner à partir d'un panneau de commande situé à proximité. Six joysticks contrôlent le corps, la queue, le cou, la tête et la mâchoire, et... lui permettent de cracher de l'eau. Il sera difficile de faire descendre les enfants de celui-là !

Fort Nieulay

Le fort Nieulay, situé à la périphérie de Calais, près d'Eurotunnel et de l'immense centre commercial Cité Europe, a été construit par les Anglais entre 1360 et 1558 pour servir de clé de voûte à un système de canaux défensifs (cela n'a pas marché !). Lorsque les Français ont attaqué en 1558, les écluses n'ont pas été ouvertes et Calais est tombé !) Il a ensuite été légèrement agrandi sous le bref contrôle des Espagnols (ils ont attaqué depuis les Pays-Bas espagnols en 1596 et l'ont rendu en 1598). Puis l'architecte militaire de Louis XIV, Vauban, est arrivé en 1699 et l'a transformé en un de ces forts géants en forme d'étoile avec des remparts massifs.

De 1815 à 1870, le fort a été abandonné et en 1903, il a été loué à des fermiers. Il a été brièvement réoccupé par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, avant d'être transformé en parc urbain.

Aujourd'hui, il est prévu d'y installer une famille de six iguanes. Les iguanes, transportant chacun quatre à six passagers, se déplaceront à l'intérieur et à l'extérieur du fort.

Dessin de François Delarozière d'un iguane mobile ©La Machine

Le Dombunker

Le Dombunker ("bunker cathédrale") est un grand hangar en béton en forme de tunnel construit, non loin du Fort Nieulay, par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale et utilisé pour abriter une paire de canons ferroviaires K5 (vous pouvez voir un K5 quelques kilomètres plus loin sur la côte au Musée du Mur de l'Atlantique, alias "Batterie Todt").

Une fois rénové, il abritera les deux grands varans mobiles - (genre Varanus) varans de voyage, dans ce cas des dragons de Komodo. Ces lézards de six mètres de haut parcourront les autres sites de la Compagne du Dragon et la ville elle-même en transportant jusqu'à 10 passagers sur leur dos.

La dernière machine de ce projet de 5 ans et 27 millions d'euros sera le deuxième iguane fixe. Celui-ci, "Le Grand Iguane", sera une version plus grande de l'iguane fixe existant et sera placé sur la Place Crèvecœur dans le quartier Saint Pierre.

Quand le Dragon de Calais recommencera-t-il à fonctionner ?

Eh bien, comme au Royaume-Uni et dans le reste de l'Europe, les restrictions et les lockdowns du COVID-19 sont difficiles à prévoir, mais la Compagnie du Dragon espère être à nouveau opérationnelle le mois prochain. Stéphane Ribeiro confirme : "Nous sommes toujours aux prises avec des signaux contradictoires concernant notre potentielle réouverture, mais nous serons prêts pour le 13 février !".

* Le Dragon de Calais n'a pas de nom. Ils ne l'appellent pas 'Volgon' ou 'Elizabeth' ou quoi que ce soit, et ne lui ont pas donné de sexe. Vous pouvez l'appeler "il" ou "elle" selon votre préférence.

** Il y avait en fait DEUX éléphants. Royal de Luxe est une compagnie française de théâtre de rue de marionnettes mécaniques fondée en 1979 par Jean-Luc Courcoult. Ils se sont produits dans le monde entier. En 2005, ils ont créé un spectacle de trois jours intitulé "Le sultan des Indes en visite sur son éléphant voyageur du temps" (ça tombe bien, hein !) pour commémorer le centenaire de la mort de Jules Verne. Le spectacle comprenait un magnifique éléphant, "l'éléphant du Sultan", une marionnette géante et plusieurs autres œuvres d'art. L'éléphant a été construit par François Delarozière, qui était membre de la compagnie à l'époque. Pendant deux ans, le spectacle a été présenté dans six villes, dont Londres et Calais, puis, désireux de passer à autre chose, l'éléphant a été détruit. À peu près à la même époque, les deux hommes se séparent en raison de divergences artistiques. Delarozière crée sa propre compagnie, La Machine, et reconstruit une nouvelle version de l'éléphant (Le Grand Elephant) pour des représentations continues sur l'ancien chantier naval de l'île de Nantes.